Il a été beaucoup question de Napoléon ces temps-ci. Le président Macron a cru bon commémorer le bicentenaire de sa naissance au nom d’une histoire nationale prétendue « une et indivisible ». Pourtant le même Macron qui, il y a peu, tonnait « La République n’effacera aucune trace ni aucun nom de son histoire » est pris en flagrant délit de mensonge lorsque lui-même efface de l’histoire nationale certains de ceux dans les colonies qui ont eu le tort de vouloir coller aux principes républicains – notamment en ce qui concerne l’abolition de l’esclavage – et qui, justement furent victimes du même Napoléon.
Trois personnages sont ainsi symptomatiques de l’acharnement raciste de Napoléon mais aussi des troubles de mémoire de Macron.
Le premier est Louis Delgrès « homme de couleur né libre » officier des armées républicaines défenseur des principe révolutionnaires abolitionnistes, il entre en conflit avec le Consulat dès lors que celui-ci prétend rétablir l’esclavage. En poste à Basse-Terre de Guadeloupe le 10 mai 1802, Louis Delgrès prend la tête de la résistance contre les troupes envoyées par Bonaparte pour rétablir l’esclavage. Conscient de la disproportion des forces pour l’honneur et pour l’histoire, il fera afficher sur les murs de Basse-Terre une proclamation « À l’Univers entier, le dernier cri de l’innocence et du désespoir ». Un réquisitoire implacable contre l’esclavage qui aujourd’hui encore mérite qu’on se penche sur lui. Le 28 mai suivant, cerné par les troupes françaises à Matouba, une habitation fortifiée, avec trois cents partisans, et connaissant le châtiment qu’on leur réserve, Delgrès et ses hommes préfèrent se suicider à l’explosif.
La seconde est Rosalie, née vers 1772 et surnommée la « mulâtresse Solitude ». Celle-ci est née du viol de sa mère Bayangumay, par un marin sur le bateau qui la déportait d’Afrique aux Antilles. Devenue domestique de maison en raison de sa peau claire, elle applaudit à l’abolition de l’esclavage en 1794. Lorsque Louis Delgrès lance son appel après le rétablissement de l’esclavage le 20 mai 1802 elle se rallie à lui. Bien qu’enceinte de trois mois elle choisit de se battre à ses côtés et fait partie des 300 derniers résistants encerclés. Capturée vivante elle est condamnée à mort. Mais en vertu d’une loi qui empêche d’exécuter une femme enceinte, ses bourreaux attendront son accouchement en prison le 29 novembre 1802 pour l’exécuter. Elle sera pendue le lendemain.
Le troisième personnage est Toussaint Louverture, le leader indépendantiste d’ Haïti. Une chose est souvent oubliée c’est le sort que Napoléon lui réservera une fois qu’il sera tombé dans le piège que les troupes françaises lui avaient tendu. Il est déporté en France avec une centaine de ses hommes en violation des promesses faites s’il se rendait (pour épargner les vies de son peuple). Toussaint Louverture, non seulement n’aura pas droit à un procès, mais on ne lui appliquera pas davantage les lois de la guerre. Déporté en France en 1802, il sera convoyé à travers la France de Brest jusqu’au fort de Joux dans un des lieux le plus froids de France, le département du Doubs dans le Jura. Selon les ordres de Napoléon lui-même, le but était de le briser moralement et physiquement par de nombreuses vexations, humiliations et brimades. Mis en cellule sans chauffage, il y mourra de froid un an plus tard le 7 avril 1803. Ses compagnons finiront leurs jours en prison. Pas de quoi fouetter un Corse, ni de quoi raviver la mémoire « républicaine » de Macron.
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