Anasse Kazib et Taha Bouhafs dans l’œil du cyclone raciste

Il n’a jamais été facile d’être un militant indigène en France, même lorsque l’on milite au sein d’organisations du champ politique blanc, de gauche comme de droite. L’indigène militant est toujours davantage scruté que n’importe quel autre blanc engagé. Et pour cause, il outrepasse le statut d’éternel d’« invité », comme dit Abdelmalek Sayad, au sein de la nation française, l’obligeant à respecter des règles de politesse de base comme celle de ne pas se sentir trop chez lui en prenant ses aises et en s’occupant de choses qui ne le regardent pas. La politique, en premier lieu.

Cette logique est encore plus vraie lors des périodes de crise politique et de radicalisation raciste, comme celle que nous sommes en train de vivre. Nous en avons l’illustration parfaite ces dernières semaines avec le traitement subi par deux militants évoluant dans la sphère de la gauche blanche mais ayant le malheur d’être arabes. Il s’agit de Taha Bouhafs, journaliste au sein du Média, dont l’orientation à gauche est revendiquée ; et d’Anasse Kazib, militant au sein de l’organisation trotskyste, Révolution Permanente, et candidat à l’élection présidentielle.

Kazib et Bouhafs doivent faire face des attaques et menaces que nul autre militant blanc ne subit, peu importe la radicalité des positions qu’il pourrait adopter. Philippe Poutou, à titre d’exemple, a dû affronter ces derniers jours une campagne de diffamation importante de la part du champ politique et médiatique suite à ses propos sur la police – saluons au passage sa détermination à maintenir ses propos et même à les renforcer – mais cette offensive n’a pas atteint l’ampleur ni la violence auxquelles doivent faire face nos deux militants. Car en plus de l’offensive politico-médiatique qu’ils doivent essuyer, ne trouvant que peu de soutien au sein de la classe politique, ils sont l’objet de multiples invectives, insultes, intimidations et menaces de mort (qui peuvent même être adressées à leur familles) de la part de militants de la fachosphère.

Accusé de ne pas afficher des drapeaux français dans ses meetings, Anasse Kazib a souligné à juste titre le caractère raciste de ces attaques. Les faux naïfs voudraient nous faire croire que cette injonction à afficher d drapeau tricolore – dont la légitimation repose davantage sur des principes chauvins et un dogmatisme républicain quasi religieux que sur de réels arguments – s’applique à tous. Or, il y a toujours eu, au sein de la gauche radicale, des candidats n’affichant jamais le drapeau BBR et revendiquant fièrement de le substituer par le drapeau rouge. C’est par exemple le cas de Lutte Ouvrière ou du NPA depuis toujours. Pourquoi cela n’a-t-il jamais véritablement fait scandale, mis à part à l’extrême-droite de l’échiquier politique ? Tout simplement parce que ces candidats étaient blancs. Donc considérés comme véritablement « chez eux » en France, ce qui leur donne davantage de droits, comme celui de l’antipatriotisme.

Anasse Kazib, en ce qui le concerne, en raison de son statut, est tenu par le pouvoir blanc à la discrétion. Ses expressions politiques doivent se limiter à une célébration de la Nation. Dans le cas contraire, il est tout suite renvoyer à son éternelle externalité. Le refus d’afficher des drapeaux français – qu’il affirmera lors de son passage à TPMP, rendant ses positions politiques encore plus insupportables, lui vaudra donc une multitude d’attaques.

Il en est de même pour Taha Bouhafs. Ses prises de positions sont d’autant plus insoutenables pour une grande partie du champ politique blanc que lui aussi n’a pas honte d’être Arabe. Les reproches qui lui sont faits sur le manque d’objectivité dont souffrirait son travail – de la part de ceux qui « croient » encore au mythe de l’objectivité et de la neutralité journalistique – ou sur son militantisme radical voire « indigéniste », ne sont que des prétextes pour exprimer leur indignation face à un jeune journaliste qui ne renie pas ses origines immigrées et musulmanes tout en s’inscrivant dans une gauche opposée au nationalisme exacerbé.

Ses engagements ont un prix. En plus des incessantes attaques du champ politique blanc, des innombrables insultes et menaces de la part de la fachosphère très active sur les réseaux sociaux, il y a désormais les condamnations judiciaires. Ainsi, dernièrement, le journaliste du Média a été reconnu coupable d’injures racistes par la Justice pour avoir qualifié Linda Kebab, syndicaliste policière, « d’arabe de service ». Cette affaire n’est pas terminée puisque Taha Bouhafs devrait faire appel, toutefois nous pouvons déjà nous inquiéter de cette décision parce qu’elle empêche ainsi de désigner une manœuvre politique analysée et dénoncée depuis toujours par l’antiracisme politique. A savoir l’utilisation par le pouvoir Blanc d’Indigènes chargés de préserver et légitimer sa domination. Ainsi, des personnes comme Linda Kebbab, mais aussi Rachel Khan, Patrice Carteron ou Jean Messiha, sont mis en avant – certes pas seulement, mais en grande partie – car ils sont des non-blancs soutenant le système raciste. Souvent avec un excès de zèle qui fait peine à voir. En outre, il est assez risible de constater que parmi les rares fois où la Justice se décide à condamner une personnalité pour injures racistes, c’est lorsque ses accusations visent un militant réellement anti-raciste. D’ailleurs, rappelons que quelques semaines avant cette décision, Zemmour a été relaxé par la justice dans le procès qui lui avait été fait suite aux propos jugés racistes (nous le maintenons) qu’il avait tenus durant la convention de la droite.

La condamnation de Taha Bouhafs n’est toutefois pas surprenante. Elle s’inscrit dans une dynamique de radicalisation du pouvoir blanc depuis quelques années qui vise à criminaliser les militants anti-racistes. La dissolution d’organisations musulmanes condamnant l’islamophobie d’Etat en est une autre illustration. Les diffamations et menaces que doivent affronter Kazib et Bouhafs sont un des signes supplémentaires de la marche de ce pays vers le fascisme. La vague de répression qu’orchestre Darmanin en dépit du droit contre certaines organisations musulmanes (CCIF, Baraka City, Nawa, CRI) en est la preuve éclatante.

Face à cette radicalisation raciste – et particulièrement islamophobe nous devons faire preuve de responsabilité et savoir faire bloc. Le contexte actuel oblige à l’unité, et au soutien mutuel, et ce en dépit des désaccords.

C’est pourquoi il faut exprimer un soutien total à Anasse Kazib et Taha Bouhafs face aux attaques qu’ils subissent.

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