Première moitié du XXe siècle : la très vertueuse et très démocratique IIIe République fixe dans le marbre de la loi des discriminations fondées sur l’origine des individus. Cette législation xénophobe était destinée à protéger la population française du « danger de l’immigration » dont certains individus pouvaient « altérer profondément ou dégrader notre race » (étaient visés ici les « indigènes des colonies »). La notion « d’indésirables » se banalise, les manifestations pour chasser les « métèques » se multiplient. Le contrôle, l’encartage et le fichage deviennent une obsession : en 1939, la Direction des étrangers au ministère de l’Intérieur gère quatre millions de dossiers et sept millions de fiches, que l’administration de Vichy va utiliser sans retenue. La mention « juif » y est peu à peu introduite pour les étrangers. En plus de la distinction Français/étrangers, la troisième république introduit une séparation au sein même du « corps national » entre les Français « de souche » et les Français « d’origine étrangère » – créant « une catégorie-relais ayant facilité les discriminations à l’égard des Juifs » par Vichy (selon Gérard Noiriel 1).
En 1939, le gouvernement Daladier issu du Front Populaire fut un grand bâtisseur : les camps de Gurs et d’Agde furent construits en trois semaines pour y concentrer les réfugiés républicains espagnols (2), tandis que les camps du Vernet et de Rivesaltes étaient agrandis. A partir de novembre 1939, les Juifs allemands réfugiés en France furent placés dans des camps d’internement sans le moindre jugement ni condamnation. Des dizaines de milliers de juifs furent ensuite livrés aux nazis par Vichy.
Novembre 2023 : au Sénat, le centre, la droite et l’extrême-droite ont peaufiné une nième loi xénophobe, sous le regard goguenard et approbateur de Darmanin. La liste des mesures discriminatoires est aussi longue que nauséabonde : suppression de l’aide médicale d’Etat, retour de la double peine, restrictions du regroupement familial (y compris pour les conjoints de Français), réduction du droit du sol, durcissement de la circulaire Valls (permettant une régularisation par le travail), précarisation des étudiants étrangers, rétablissement du délit de séjour irrégulier, retour à la garde à vue pour vérification des papiers (et non au centre de rétention), limitation du nombre de renouvellement consécutifs d’une carte de séjour temporaire, durcissement en matière de nationalité, facilité des expulsions, pouvoir grandissant des préfets, détérioration du droit d’asile (possibilités de retirer le titre de séjour).
Dans les médias, les vomissures qui tiennent lieu d’explications de texte témoignent de l’ampleur du grand défoulement. Le thème du « grand remplacement » se banalise, non seulement les étrangers sont accusés d’infecter la République française et ses valeurs universelles, mais aussi les Français d’origine étrangère. Pendant les émeutes de juin, les jeunes furent d’ailleurs accusés de n’être « pas tout à fait Français », et de « régresser vers leurs origines ethniques ».
Se présentant désormais comme le meilleur défenseur des Juifs, le Rassemblement national est le seul à préciser ouvertement pourquoi : contre les Musulmans. Le député UDI et Républicains Meyer Habib déclare : « La haine du Juif est l’aphrodisiaque de toutes les masses arabes. Je suis inquiet pour la France et la civilisation judéo-chrétienne ».
C’est le grand défoulement, il n’y a plus aucune retenue puisque tout est autorisé dès lors que l’on s’attribue fallacieusement – et avec l’approbation d’une gauche pathétique qui s’auto-intoxique en prétendant ériger un cordon sanitaire en manifestant avec le RN – la qualité d’anti-anti-sémite.
12 novembre 2023 : une manifestation étatique est de nouveau convoquée (3). Sous peine d’être suspecté d’antisémitisme, le peuple devra obligatoirement défiler derrière ces gens qui viennent de voter une loi xénophobe au Sénat, derrière les héritiers de Vichy, ceux qui viennent d’arrêter violemment Mariam Abu Daqqa, ce qui constitue selon la militante du FPLP une » attaque contre le droit de la Palestine à avoir un État, une identité, une existence » et ceux qui trouvent normal les discriminations racistes ici, comme ils trouvent normal le génocide en cours en Palestine occupée.
Nous laissons au lecteur le soin de conclure.
10 novembre 2023
Illustration : Un alphabet à colorier, à la gloire du maréchal Pétain. Photo musée de la Résistance et de la Déportation