Édito #22 – Nouveau gouvernement israélien : tout changer pour que rien ne change

Ça y est Benjamin Netanyahou est écarté du pouvoir. Le Parlement israélien a investi la « coalition du changement social » et son gouvernement qui réunit huit partis dits de gauche, du centre, de droite ainsi que pour la première fois un parti arabe, Raam. C’est donc après douze ans de pouvoir sans partage que Netanyahou a dû concéder sa défaite tout en assurant qu’il poursuivra sa carrière politique au sein du Likoud et qu’il reviendra au pouvoir plus vite qu’on ne le pense. La presse française dans l’ensemble, pour expliquer la chute du système Netanyahou, évoque les différentes casseroles que traine l’ex premier ministre, notamment des poursuites judiciaires pour délits financiers, mais se tait sur un élément plus important : son échec incontestable face à la résistance lors de la dernière agression contre Gaza. En effet Israël a dû cesser son offensive sans même tenter de se donner l’illusion d’une victoire et sans exiger des conditions à l’arrêt de son offensive. D’ailleurs l’échec était si patent que Netanyahou ne s’est même pas donné la peine de parader à la télévision comme il a l’habitude de le faire.

Selon l’accord de gouvernement de la nouvelle coalition, les deux dirigeants les plus importants de celle-ci se succéderont au pouvoir. Le premier à prendre la tête du gouvernement comme 1er ministre jusqu’en 2023 est Naftali Bennett le chef du parti Yamina, parti ouvertement fascisant que la presse française, contre toute évidence, s’efforce de qualifier de « parti de droite ». Pourtant avec celui-ci on peut dire sans hésitation « qu’un criminel de guerre succède à un autre criminel de guerre » *. En effet, c’est bien l’ancien ministre de l’économie de Netanyahou qui dans une interview avait préconisé de tuer tous les « terroristes attrapés par les autorités plutôt que de les mettre en prison ». Poursuivant « j’ai tué beaucoup d’Arabes, (je n’ai) aucun problème avec ça ». Quant à celui qui doit lui succéder comme premier ministre à partir de 2023 et qui pour l’instant sera vice-premier ministre et ministre des affaires étrangères, c’est Yaïr Lapid, ex ministre des affaires étrangères de Netanyahu et dirigeant du parti pseudo centriste Yesh Atid dont l’une des obsessions est de faire faire le service militaire « à tous les Israéliens » donc y compris aux religieux et aux « Arabes ».

Priorités annoncées de la nouvelle coalition : renforcer « la présence », comprendre la colonisation israélienne en zone « C », de Cisjordanie, zone sur laquelle Israël selon les accords d’Oslo a un contrôle militaire et civil entier et qui représente environ 60 % de ce territoire palestinien. Le but étant d’y constituer un bloc des principales colonies israéliennes ayant vocation à être annexé à l’Etat d’Israël. Ce qui ne signifie pas que le nouveau gouvernement ne va pas s’efforcer de poursuivre la colonisation dans la zone B de souveraineté commune. D’ailleurs dans ce programme, il n’y a nulle trace de limitation des colonies dites « sauvages ».

Cependant La vraie nouveauté de ce nouveau gouvernement réside dans le fait qu’il comptera pour la première fois depuis longtemps un ministre arabe. Ce dernier, Mansour Abbas, dirigeant d’un parti islamiste israélien Raam, anciennement membre de la liste arabe unifiée qui avait fait une percée notable lors des dernières élections, est totalement décrié par les Palestiniens de 1948. Tous fustigent son opportunisme à tel point que Ramsy Baroud, rédacteur en chef de l’excellent site Palestine Chronicle titre, à son propos : « Israël a-t-il trouvé son harki ? ». Ajoutant qu’Abbas « est à contre-courant de l’histoire » et que son parti ne représente que lui-même car « à un moment où les Palestiniens de toute la Palestine historique s’unissent enfin « autour d’une vision nationale commune », celui-ci divise l’électorat arabe et fait montre de l’opportunisme traître le plus cynique.

Concernant la résistance palestinienne, le porte-parole du Hamas, Faouzi Barhoum, a déclaré à l’annonce de la mise en place de ce nouveau gouvernement que celui-ci ne changeait en rien les revendications du peuple palestinien. Il a ajouté « le sang palestinien et les lieux sacrés sont une « ligne rouge » et le comportement de l’occupant israélien sur le sol déterminera la manière avec laquelle la résistance le traitera ». Sachant que les pourparlers, sous l’égide de l’Egypte en vue d’une trêve durable avec Gaza qu’espérait Israël, n’ont pas abouti.

Justement, la marche de l’extrême droite israélienne prévue le 15 juin à Jérusalem-Est – donc à proximité des lieux saints – mais aussi le sort que le nouveau gouvernement réserve au quartier de Cheikh Jarrach menacé de nettoyage ethnique total auront valeur de test. Nul doute qu’Israël, où les colons les plus fanatiques exercent leurs pressions de multiples façons, ne manquera pas une nouvelle fois de montrer son visage belliqueux et d’apartheid qui justifie la campagne BDS.

BDS, l’une des cibles prioritaires avouées de cette nouvelle junte au pouvoir.

*Ramzy Baroud dans Chronique de Palestine

 

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