Deux femmes non-blanches sont au centre de l’actualité médiatique et politique. En fond, et malgré l’opposition radicale de leurs discours, une même question : la race compte-t-elle ?
D’un côté, Rachel Khan est accueillie tel le messie par les journaux et chaînes radiodiffusées. Son prodige ? Dénoncer les « pseudo-antiracistes victimaires », adeptes des idéologies décoloniales et/ou intersectionnelles. Selon elle, l’utilisation du terme « racisé » relèverait de l’essentialisation des individus qui les enfermerait dans une « identité-discrimination », alors que l’universalisme français ferait fi de toutes ces « revendications identitaires ». Le Figaro, Le Point et Valeurs Actuelles adorent.
Mais pourquoi une telle mise en avant médiatique pour un discours qui, finalement, n’est pas novateur en comparaison à ce qui est écrit en continu dans les mêmes colonnes néo-conservatrices ? Qu’a donc Rachel Khan de plus qu’un Ivan Rioufol ou une Caroline Fourest ? La réponse est évidente pour quiconque connaît la stratification raciale de la société française et l’intérêt qu’a le pouvoir blanc à camoufler sa domination derrière les descendants de colonisés : elle est Noire. Recrachant le discours de ses maîtres, Rachel Khan n’est rien d’autre que la caution non-blanche à la cécité volontaire qui est maintenue sur la réalité de la condition Indigène en France. Bref, c’est l’Indigène de maison que Malcolm X avait déjà identifié.
De l’autre côté, Mélanie Luce est conspuée après ses passages sur les ondes d’Europe 1 et de Touche pas à mon poste. Son tort ? Être à la tête d’un syndicat étudiant qui organise occasionnellement des réunions en « non-mixité racisée ». Selon celle-ci, les personnes « racisées » devraient pouvoir se retrouver entre elles afin de s’exprimer sur le racisme qu’elles subissent, expériences qui ne seraient pas partagées par les Blancs. Comme le rappelle Médiapart, qui a pu se procurer des documents relatant la manière dont se déroulent les réunions en « non-mixité racisée » au sein du syndicat, celles-ci ne sont qu’un lieu d’écoute du « ressenti » des personnes concernées qui « témoignent » alors que la « prise de décision » est le fait de « l’ensemble du syndicat ».
Il n’en fallait pas plus pour que le ciel politique lui tombe sur la tête. Éric Ciotti a promptement appelé à la dissolution de l’UNEF, des élus de droite ont signalé les faits au procureur de la République et le ministre de l’Éducation nationale a comparé ces réunions en non-mixite au fascisme et a annoncé que des mesures législatives seront portées pour y contrevenir. Mélanie Luce est à l’évidence une Indigène des champs[1].
Ces événements, la promotion de Rachel Khan et l’excommunication de Mélanie Luce, ne sont pas indépendants. Ils s’autoalimentent dans une même séquence politique qui est celle d’une hystérisation sans précédent autour de la notion floue d’ « islamo-gauchisme » et, conséquemment du renvoi, dos à dos, de « l’identitarisme racialiste » et de « l’identitarisme d’extrême droite ». L’un comme l’autre serait porteur d’un projet de catégorisation raciale de la société, et serait à combattre sur le même front.
L’angle-mort, obscène, de cette confrontation est pourtant que ces deux projets sont fondamentalement opposés. Alors que ce qui est dénoncé comme étant un « identitarisme racialiste » est en réalité un projet antiraciste qui vise à davantage de justice sociale (en tentant de corriger les inégalités sociales), « l’identitarisme d’extrême-droite » est quant à lui un véritable projet sécessionniste visant à figer la suprématie blanche sur les autres groupes sociaux. Construire une équivalence entre les deux est aussi grossier et indécent que de renvoyer dos à dos Marine Le Pen et Angela Davis.
Ainsi, nous restons bouche bée devant la schizophrènie d’un Éric Naulleau qui, le jeudi, est outragé par le discours d’une étudiante de 20 ans qui organise des groupes de parole antiracistes et, le reste de la semaine, continue de fréquenter le multirécidiviste Éric Zemmour qui, lui, n’hésite pas à réhabiliter Pétain tout en se faisant le porte-voix d’un véritable projet politique fasciste. C’est ainsi que toute honte bue, Eric Naulleau demande la dissolution de l’UNEF. Abject, au moment où Médiapart révèle l’existence d’une filière néo-nazie au sein de l’armée…[2]
Pour terminer, s’il faut apporter un soutien sans faille à l’UNEF et à sa présidente pour les foudres qui s’abattent actuellement sur elles, il nous apparaît important de relever que, dans une perspective d’émancipation des non-Blancs, la non-mixité est un moyen légitime comme un autre mais jamais une solution en soi. Du point de vue de l’antiracisme politique, ce qui compte pour la réussite d’un projet antiraciste, et qui est d’ailleurs le prolongement politique de la non-mixité, c’est l’autonomie politique Indigène. C’est-à-dire une conquête par les indigènes de leur liberté de pensée, de décision et d’action par rapport à l’Etat, ses institutions et l’ensemble des forces politiques non indigènes sachant que cette indépendance politique n’est en rien contradictoire avec l’unité d’action avec les forces blanches pourvu que la convergence contribue aux rapports de force décoloniaux.
En définitive, et en réponse à la question initiale, ce qui s’impose avec évidence, eu égard aux cas de Rachel Khan et de Mélanie Luce, c’est que la race compte. Elle compte d’autant plus que toute cette agitation contre l’UNEF n’est que l’expression de la volonté de la frange la plus raciste du pôle blanc de défendre ses intérêts de race. Dans leur panique, ils tuent une mouche avec un bazooka. Pathétique. Mais peut-être cette panique est-elle justifiée ? Peut-être qu’ils ont raison et qu’il y a réellement à l’échelle du pays une multiplication des indigènes des champs ? Qui sait ?
[1] En référence à Malcolm X qui parlait des « nègres de maison » et des « nègres des champs »
[2] https://www.mediapart.fr/journal/france/160321/une-filiere-neonazie-au-sein-de-l-armee-francaise?utm_source=20210316&utm_medium=email&utm_campaign=QUOTIDIENNE&utm_content=&utm_term=&xtor=EREC-83-[QUOTIDIENNE]-20210316&M_BT=252954284916
Voyons
le 15 fevrier Rachel Khan, invitée de Virginie Guedj était acculée, ramenée au bon sentier, priée de prendre position contre les islamogauchistes et contre les anti-colonialistes. Je ne veux jeter la pierre sur Virginie car je la trouve charmante dans son style, mais c’est la politique de son émission.
voici mes commentaires à ce débat noyau d’une re-re-conversion
détrompez-vous, même si le hip-hop peut faire figure de machisme, la position du rappeur est de par son identité d’exclu, plus proche d’une prise en compte de la libération de la femme que la musique bourgeoise. C’est ce qui par rapport aux beatniks et hippies, à l’époque sulfureux et scandaleux, expliquait la jeune Susan Sontag dans son étude sur l’esthétique et le geste du » camp » – bref, l’enjeu du camp est le même à présent
aussi par rapport au rap, hip-hop (je connais mieux la tendance espagnole appelée » trap » mais en partie c’est commun aux trois branches) la posture de parole est celle de » l’homme prophétique » qui maudit le peuple (dans la Bible les prophètes maudissent et apostrophent Israel ) au même titre qu’il peut attaquer Babel
non mixité ? peut-être il y aurait eu, je suppose pour le mieux, des assemblées qui ont eu besoin d’exclure, pour pouvoir parler, celles ou ceux qui empêchaient de parler une partie vulnérable de l’assemblée, celle qui aurait monopolisé la parole, même par des ressorts d’une complexité dont l’explicitation n’est pas viable sur le point présent du moment, c’est comme-ça que je peux comprendre, c’est à dire, de manière situationnelle, non-catégorique
la domination féminine même si elle porte la mesure d’une tristesse regrettable, porte aussi la blessure enfantine qui peut toujours faire appel à l’amour, l’amour sans genre, je ne suis pas du tout d’accord avec celles qui revendiquent Autant emporte le vent et le couple genré homme-obsessionnel / femme-hystérique… la domination féminine est culturellement expérimentale, signe d’une crise, promesse d’une délivrance autre
je savais pas que vous étiez séfarade algérienne (je m’adresse à Virginie), du coup il y a un article récent concernant l’identité spécifique des séfarades – bien entendu que l’Andalousie et la Castille sont séfarades au même titre – que j’aimerais porter à considération (et excusez l’abondance des commentaires, mais les visio-conférences, soit je les prends comme travail de réflexion soit ça me tombe des mains, je ne conçois pas l’idée de téléspectateur passif )
Il n’est pas forcé de ramener la judéité à une « non-négritude », si on oublie que la judéité n’est pas génétique vraiment (la thèse génétique étant celle des scientifiques malthusiens et nazis)
Nigra sum sed formosa, figlia hierusalemme, sicut tabernacula cedar, sicut templum Salomonis / Cantique des Cantiques (trad. S.Jerôme, Vulgata)
l’amour brûle à deux l’identité, je suis sorti de l’autisme, à l’adolescence, quand nous avons brûlé ensemble dans l’assemblée étudiante nos cartes d’identité, nous fûmes tabassés, nous n’avons jamais cesé d’être tabassés, mais nous sommes depuis partie de l’Humanité, l’identité ardente, mise en commun
d’avoir choisi ou pas, l’identité existe quand on s’aime
epilogue
adressé d’abord à H.B.
puis remanié pour être adressé à Isabelle, Emmanuelle et Vanessa
je m’étais dit une chose
quand j’allais avoir 50 ans
à propos de ma destinée
ma destinée d’artiste
qui était aussi une excuse pour m’autoriser à vivre
que si j’avais le temps
j’apprendrais le sanskrite
et j’ajouterai une demi-strophe au Mahabharatta
mais il faut vivre plein d’aventures
pour que la demi-strophe ajoutée ait de l’intérêt
pour l’instant les ébauches
sont plus propres à une sorte d’Upanishad sentimentale
plutôt qu’à une épopée
que si l’on traite l’autre comme d’autres nous avaient traité ou induit à croire être traité de bien le temps d’avant vienne un temps plus tard qu’un regard jeune nous apprenne à ne rien faire de cela … si l’enfant est jeune, jeunes étaient nos mères en même temps, la main d’un homme enfant, au sein, nous mêmes
les cavités de l’air, les piliers de l’étant, dans l’ombre et les ondulations des muettes paroles, résonnent, s’affinent
je me serais pas permis d’en faire un comm demi-mondain si l’édito n’était pas un peu Marie-Claire
Valeurs Indigènes
Femme Décoloniale
enfin
… à quoi bon de formater TV tout ça ?
c’est fétichiste