Édito #11 – A propos des vraies fausses découvertes archéologiques israéliennes

Mardi 16 mars 2021, l’Autorité israélienne des antiquités (AAI) a annoncé avec tambours et trompettes que d’exceptionnelles découvertes archéologiques avaient été mises au jour dans la grotte dite « des Horreurs », située dans le désert de « Judée ». Les fouilles, ajoute le communiqué, s’inscrivent « dans le projet national lancé en 2017 qui a pour mission de préserver les biens culturels et patrimoniaux des pilleurs d’artefacts antiques » (sic).

Mais tout d’abord qu’est-ce que l’AAI ? Cet organisme est la section gouvernementale chargée des découvertes et fouilles en Israël. Créé en 1948, il se situe dans la droite ligne de l’archéologie coloniale propre aux colonies de peuplement comme l’Algérie française. Il a pris la suite après la seconde guerre mondiale des missions archéologiques lancées dés la fin du XIX e par de riches bienfaiteurs sionistes. Il n’est pas inutile de préciser que la recherche archéologique d’emblée est totalement liée au domaine militaire. Ainsi, avant la 2e guerre mondiale, elle est supervisée par un officier archéologue. Après l’invasion de la Cisjordanie, c’est directement un officier d’état-major archéologue qui aura la haute main sur la recherche et l’exploitation des vestiges découverts. De fait l’archéologie sioniste a été une arme au service de la politique. Celle-ci a toujours fonctionné selon trois principes directeurs.

Le premier est celui de La sélection. Il s’agit, parmi les vestiges et artéfacts, de sélectionner uniquement ce qui vient confirmer le récit biblique notamment sur l’antériorité du peuple hébreu puis juif sur cette terre, la véracité de la succession des rois et des épopées militaires. Ainsi que la continuité ethnico-religieuse entre les anciens hébreux et les juifs actuels. Le but est évidemment de valider l’histoire juive comme étant celle d’un peuple légitime sur sa terre autant que les Français d’autrefois pouvait se dire sans ciller descendants des Gaulois. De la même façon qu’en Algérie française, l’archéologie coloniale s’efforçait de n’exhumer que les vestiges romains et chrétiens afin de rattacher cette colonie à l’histoire européenne au détriment des vestiges phéniciens, grecs, arabes et berbères. Bien sûr dans la droite ligne des adeptes anglo-saxons de l’ancien testament depuis le XIXe siècle, la Bible est considérée comme un livre d’histoire fondamental qui valide (ou non) la recherche archéologique et non l’inverse, ce qui serait la démarche scientifique normale.

Le second principe est celui de l’appropriation. Ainsi non content de ne rechercher que ce qui peut justifier le récit matriciel biblique, les archéologues israéliens lorsqu’ils ne dédaignent pas les vestiges ou objets relevant d’autres civilisations tâchent de se les approprier en confirmation de leur propre récit. Ainsi tout vestige ou artefact pouvant être rapporté par sa datation à un moment supposé de l’histoire biblique est présenté comme confirmant le discours de celle-ci. Par exemple une pièce de joaillerie ou de poterie non ou mal identifiée mais datant du VIe au 1e siècle, sera naturellement déclarée « de l’époque du second temple » et donc sans autre forme de procès rattachée immédiatement à l’histoire juive.
Le troisième principe est celui de la destruction pure et simple. Ainsi non seulement peu de cas est fait aux vestiges arabes, musulmans ou chrétiens mais ils peuvent parfois être détruits. On ne compte plus le nombre de cimetières, de mosquées, de tombes musulmanes, de restes de temples cananéens que l’armée israélienne a détruits, animée de sa politique du bulldozer. En même temps, les Palestiniens seront empêchés de pratiquer l’archéologie dans la zone B normalement sous contrôle commun entre Israël et l’autorité palestinienne.

Le plus grave est sans aucun doute les recherches archéologiques menées sous l’esplanade des mosquées. En effet, le projet de certains groupes sionistes est la destruction pure et simple du Haram al Sharif de Jérusalem afin de « rebâtir » le second temple. Il en va de même des menaces qui pèsent sur le quartier de Silwan dans la vieille ville car Israël considère uniquement sur la foi de la Bible que c’est là l’emplacement originel de la Jérusalem du Roi David.

De plus, s’agissant de la Cisjordanie, Israël, depuis son occupation, a exploité plus de 980 sites archéologiques en totale illégalité puisque le droit de la guerre interdit à la puissance occupante d’effectuer de telles fouilles. A Jérusalem, c’est tout l’ancien quartier dit des Maghrébins qui a été rasé en 1967, à peine quelques jours après l’irruption de l’armée israélienne au Mur des lamentations. Sous le prétexte d’une explosion de gaz imminente, des centaines d’habitants ont alors été délogés et emmenés vers un camp de réfugié près de Jérusalem.

Bien sûr, à ces trois principes régissant l’archéologie, il faut ajouter l’appropriation culturelle permanente d’éléments de la culture palestinienne. Que ce soit par exemple dans la copie de motifs de broderies ou en matière culinaire. Ainsi le public peu regardant est convaincu aujourd’hui que le houmous, les falafels ou la salade fatouche sont des mets israéliens.

Cependant l’exercice préféré de l’archéologie israélienne est sa propension à la mise en scène tapageuse. C’est exactement ce qui vient de se produire à nouveau avec les récentes découvertes dites spectaculaires. Alors qu’au final il ne s’agit que de choses déjà connues. Des extraits en grec ancien de la Bible hébraïque et de grottes qui auraient pu servir de refuges à des révoltés juifs contre Rome. Rien de nouveau sous le soleil !

Il est désolant de constater que la presse occidentale se fasse encore complice de cette mécanique idéologique au service d’un colonialisme des plus éradicateurs. Comme remède on ne saurait trop lui recommander la lecture d’ouvrages comme ceux des « nouveaux archéologues » israéliens tout à fait sérieux comme Israël Finkelstein et Neil Asher Silbermann (La Bible dévoilée et Les rois sacrés de la Bible).  Mais mieux que ça, écoutons le récit des Palestiniens qui, eux, n’ont pas besoin de torturer les pierres pour leur extorquer de faux aveux. Leur mémoire collective leur suffit amplement.

 

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