Les événements tragiques récents concernant Yvan Colonna remettent en lumière un aspect trop souvent oublié de la violence de l’État français vis-à-vis des minorités nationales en lutte pour leur indépendance sinon leur autonomie.
Les minorités dont il s’agit ici ne relèvent pas des DOM-TOM ni des confettis de l’Empire colonial disparu mais s’inscrivent géographiquement, même si la Corse est une île en réalité plus proche de l’Italie que de la France, dans la représentation traditionnelle de l’Hexagone qu’on trouve par exemple dans certaines salles de classes à l’école.
Principalement, donc, du point de vue de la capacité politique à promouvoir un combat culturel national, les peuples corse et basque sont des minorités « intérieures » réprimés par l’Etat qui les nie au nom du centralisme français et de la République une et indivisible.
Nous ne confondrons pas Jacobinisme et Bonapartisme (Robespierre, admiratif du patriote corse Pasquale Paoli, voulait ainsi créer une confédération entre l’île de Beauté et la France) mais force est de constater que l’affirmation de l’unité et de l’indivisibilité de la République n’a rien tenu de sa promesse initiale révolutionnaire et qu’elle n’est qu’une volonté de nier les différentes traditions nationales et populaires du territoire français (Alsace, Bretagne, Occitanie, Pays basque, Corse). S’agissant des revendications nationales de la Corse et du Pays basque, la réponse de la République française s’exerce dans une violence trop souvent ignorée qui bafoue les droits élémentaires des détenus basques et/ou corses.
Ainsi Colonna était-il détenu, jusqu’à la grave agression dont il a été victime à la prison d’Arles, loin de la Corse et loin, donc, de ses amis, de ses proches, de sa famille. Cet éloignement des détenus politiques corses et basques ne se limite pas à Yvan Colonna. Il s’agit d’une politique répressive et qui relève non tout à fait de la justice mais surtout de la vengeance. Des militants basques sont comme les nationalistes ou autonomistes corses détenus loin de chez eux, ce qui équivaut à une double peine qui, en plus d’un simple jugement, prononce un isolement des détenus.
Yvan Colonna bien que considéré comme un détenu modèle dans la prison d’Arles n’a été transféré enfin en Corse sur demande de ses camarades, de ses amis et de sa famille qu’à partir du moment où dans le coma son pronostic vital s’est trouvé engagé.
Cette violence de l’Etat est inacceptable, ne serait-ce que du point de vue des droits démocratiques des individus. Un crime de sang doit être puni mais l’engagement nationaliste corse ou basque ne peut justifier un isolement comme a été celui de Colonna depuis près de 20 ans. Cette histoire républicaine est trop souvent tue et occultée. La détention particulière des prisonniers politiques basques ou corses s’inscrit dans une politique qui a trop souvent bafoué les règles du droit élémentaire.
Rappelons ainsi que sous Fabius, Premier ministre de Mitterrand, des exilés d’ETA, mouvement nationaliste basque antifranquiste se réclamant du marxisme-léninisme, ont été extradés vers l’Espagne alors elle-même dirigée par un gouvernement socialiste (Felipe Gonzalez) qui fit assassiner des militants basques en Espagne par un groupe créé de toutes pièces par l’État espagnol, les GAL. Du côté français, la Corse a connu au moins deux épisodes, dont un tragique, attestant le régime spécial imposé par la République à cette île semi-coloniale dans son traitement par la métropole : la tuerie d’Aléria et la destruction de paillottes par la gendarmerie nationale sous Jospin-Chevènement et de manière parfaitement illégale.
La situation d’Yvan Colonna suscite de fortes mobilisations en Corse et des manifestations fournies. Sans adhésion naïve de notre part à n’importe quel nationalisme émanant de minorités régionales (il y en a de réactionnaires et de racistes), soulignons qu’elle rappelle néanmoins à chacun de nous une injustice trop souvent tue et ignorée. Le traitement digne des prisonniers politiques basques et corses est l’affaire de tous les hommes libres.