Édito #62 – Condamner les insurgés, panthéoniser Manouchian : l’obscénité de la macronie

Mardi 27 juin, un adolescent de 17 ans a été tué par un policier qui l’a abattu de sang-froid. Nahel habitait la Cité Picasso à Nanterre et il était d’origine algérienne. Son nom, hélas, s’ajoute à une insupportable liste de meurtres commis par des policiers et/ou des gendarmes. Le nom Nahel s’ajoute à celui d’Amine Bentounsi, de Wissam el Yamni, d’Adama Traoré et de tant d’autres, indigènes dans leur immense majorité, victimes de l’impunité policière et, plus généralement, des forces de l’ordre.

Qu’une vidéo du crime existe a évidemment changé la donne. Il est plus difficile pour les plus hautes autorités de l’État de couvrir une fois de plus les violences et crimes policiers. Seule la vidéo a imposé à MM. Macron et Darmanin ainsi qu’à Mme Borne un air contrit ; la plus mauvaise foi pour défendre le policier qui a tué Nahel ne pouvant faire fi du réel de la vidéo.

L’impunité policière n’est pas un scoop mais la vidéo la rend béante s’agissant du crime du 27 juin 2023. La vidéo éclaire crûment tous les meurtres policiers dont les auteurs sont sortis sans condamnation ou avec sursis. La population largement non blanche des banlieues en est parfaitement consciente.

Elle sait par ailleurs la réalité des violences policières au quotidien, les brimades, les insultes racistes, le tutoiement colonial, le mépris, la menace.

L’émeute, dès lors, ne peut sérieusement surprendre. Une étincelle a mis le feu cette semaine mais en vérité, au vu de la condition indigène dans les cités, et particulièrement dans la jeunesse, l’explosion actuelle n’est pas un coup de tonnerre dans un ciel serein. L’oppression dans les cités ouvrières n’est en outre pas exclusivement policière.

La Seine-Saint-Denis a été un département particulièrement meurtri par le COVID. Et à cette époque-là, MM. Dupond-Moretti et Macron ne demandaient pas aux « parents » de « s’occuper de leurs gosses » puisque lesdits parents travaillaient et pas en télétravail, laissant parfois leurs enfants seuls.

L’inflation touche beaucoup de gens mais de manière beaucoup plus brutale les classes populaires et les gens pauvres dont les habitants des cités d’immigration.

Tout cela, sur fond de consensus républicain toujours plus raciste au diapason de l’extrême-droite qui légitime la colère de la jeunesse issue de familles – dont une partie vient du prolétariat blanc. Celles-ci, non seulement ont été largement  sacrifiées dans la crise violente ouverte depuis le COVID mais, en plus, sont chaque jour davantage désignées à la vindicte, comme ennemi intérieur de la République, dans un discours qui, en outre, criminalise la foi musulmane a fortiori lorsque ses fidèles rompent avec l’invisibilité.

Les émeutes n’ont rien de surprenant. Elles ne sont ni idéales ni pures. C’est le lot de toutes les émeutes. On le sait en France depuis au moins la Révolution jusqu’aux Gilets Jaunes en passant par Les Misérables de Hugo et les émeutes de 2005. Il n’en reste pas moins qu’elles sont des émeutes de la dignité. Leur violence rappelle même incidemment le droit à l’existence énoncé en 1793.

Après un flottement (Macron n’a cessé de courtiser l’extrême-droite depuis des années), le pouvoir a décidé de réprimer de manière extrêmement violente et carcérale la jeunesse révoltée. Le garde des Sceaux a martialement prononcé des déclarations méprisantes et vulgaires à l’encontre des parents des insurgés : « Qu’ils tiennent leurs gosses! », a-t-il dit. On n’a pas entendu de tels propos à l’encontre du fils (alcoolisé) de Zemmour qui a provoqué un accident ou de celui de Nadine Morano (contrôlé positif à la cocaïne).

La gestion néocoloniale des banlieues continue. Pourquoi, du reste, cesserait-elle ? C’est ce que le tract d’Alliance et de l’UNSA police défendant l’agent qui a tué Nahel a bien compris. Il parle des indigènes comme de gens « nuisibles ». Un vrai tract fasciste.

La répression et la pluie de condamnations de jeunes gens à de la prison ferme pour avoir utilisé Snapchat est inacceptable juridiquement, par sa disproportion par rapport aux faits, mais aussi politiquement.

La ligne suivie par le gouvernement contraint en effet les cités à la tentation du chaos et partant, alimente le fantasme de la guerre civile chère, désormais, à une grande partie du champ parlementaire acquise à la théorie du grand remplacement.

Cette répression est inacceptable en ce qu’elle nie le fondement légitime de la colère populaire. La répression orchestrée par MM. Macron, Darmanin et Dupond-Moretti équivaut à proclamer « cachez cette injustice et cette oppression que nous ne saurions voir ». Cette politique, source d’inégalités structurelles produites par la passion néolibérale, est inacceptable.

Le soulèvement de la dignité dans les cités, bien que politiquement non organisé, prolonge et réanime le mouvement social dans son ensemble. Il nous incombe à tous de lui trouver un débouché politique que seules la France Insoumise, une partie de l’extrême gauche et du monde syndical semblent vouloir assumer pour le moment.

Ainsi, comme Hugo qui réclamait l’amnistie des Communards alors même qu’il jugeait la Commune, « une grande chose mal faite », commençons par exiger la libération et l’amnistie de tous les insurgés. Ce faisant, accompagnons le menteur jusqu’à la porte de sa maison. Puisque la République prétend rendre hommage à l’idéal d’égalité et de justice en décidant la panthéonisation – ô combien instrumentale – du révolutionnaire internationaliste en arme (arménien), Missak Manouchian, alors exigeons d’elle qu’elle amnistie la jeunesse multinationale révoltée des quartiers.

RDV lundi 10 juillet, 19h, Montreuil (adresse à préciser), pour poursuivre tous ensemble le débat sur les suites à donner : « Emeutes urbaines : Agora populaire ». Venez nombreux!

Ici, un lien vers la caisse de solidarité : https://www.cotizup.com/legalteamantiraciste?fbclid=IwAR0pboyC1G_lGP33fQGUAzPprOebNdF6HRhb-adMFjImRIbsstPDWEfJtUU

 

 

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