C’est l’histoire d’une île, située à quelques encablures d’un empire tout puissant. Tourmentée par la violence de l’histoire, elle n’a jamais renoncé à son indépendance. Ni le colonialisme espagnol, ni l’impérialisme états-unien n’auront eu raison de sa dignité. En 1959, des combattants entrent à la Havane après avoir renversé un régime honni, tenu à bout de bras par Washington. La révolution se veut socialiste, patriotique et anti-impérialiste. L’empire est fou de rage, il ne peut se résoudre à un tel affront. L’idée qu’un pays du Sud, qu’il soumettait à sa botte depuis plus d’un demi-siècle se libère de ses chaines lui est insupportable. Alors, parallèlement aux actes terroristes, aux invasions, aux déstabilisations qu’il organise et finance, il décide d’asphyxier le pays, au moyen d’un embargo qui dure depuis près de 60 ans.
Cette politique a privé les cubains de plus de 1000 milliards de dollars. Le système de santé, lui, a été brutalement affecté par le blocus. Entre l’impossibilité d’acheter certains médicaments pour le traitement de lourdes maladies comme la leucémie, les difficultés pour obtenir des pièces de rechange pour des équipements médicaux à cause de l’interdiction faite aux entreprises états-unienne de commercer avec Cuba, ou encore, ignominie suprême, le gel par le Trésor états-unien de l’argent du Fonds Mondial de Lutte contre le Sida et la Tuberculose destinée à la Havane. Enfin, à travers la loi Torricelli de 1992, les Etats-Unis renforcent leur arsenal impérialiste. Cette loi conférait à l’embargo un caractère extraterritorial. Ainsi, tout pays accostant dans un port cubain se voyait refuser l’accès au marché états-unien pendant 6 mois. Conséquence, de nombreuses entreprises internationales ont cessé de vendre des équipements technologiques à Cuba, la privant d’outils indispensables pour par exemple détecter des maladies comme le cancer.
En 2020, alors que certains espèrent un allègement des sanctions en pleine pandémie, Washington décide au contraire de les renforcer. Des dons de la fondation chinoise Jack Ma, comprenant entre autres des masques, n’ont finalement pas pu être livré car le navire qui les transportait battait pavillon états-unien. Par ailleurs, sous la pression de Washington, de nombreuses banques suisses – UBS, Banque Cler – ont refusé de transférer des fonds de solidarité octroyés par des organisations helvétiques telles que Medi-Cuba Suiza et l’Association Suisse-Cuba. Cet acharnement envers Cuba, pleinement poursuivi par Joe Biden, relève d’une politique ouvertement criminelle, comme le rappelait Fidel Castro à l’ONU en 1995 : « Ce n’est ni un embargo ni un blocus, c’est une guerre économique contre notre pays, à qui on ne permet pas d’acheter de l’aspirine, à qui on ne permet pas d’acheter un anti-cancérigène pour sauver une vie ou soulager la douleur de ceux qui sont en fin de vie. Rien, absolument rien ne peut être vendu à Cuba ! »
Et pourtant. Malgré tout cela, Cuba a fait de la recherche scientifique et médicale un pilier de sa révolution. Pour parer aux hostilités extérieures et assurer sa souveraineté, voire sa survie, le pays produit ses propres médicaments. De plus, sur les treize vaccins qu’il inocule à sa population, huit sont produit sur l’île. En lien étroit avec l’autre pilier de la révolution, l’éducation, Cuba a mis sur pied à partir des années 1980 une industrie de biotechnologie. C’est grâce à elle que le pays a pu réaliser une véritable prouesse, en produisant pas moins de cinq vaccins, dont deux ont validé les essais cliniques de la phase trois, avec une efficacité respective de 91,2% et 92,28 (avec trois doses pour le second).
Leurs noms ? « Soberana 02 » (souveraineté) et « Abdala ». Abdala n’est autre que le personnage d’un poème du révolutionnaire et apôtre de l’indépendance cubaine, José Marti. Abdala, c’est José Marti se lançant dans la bataille pour la libération de Cuba. Abdala, c’est ce jeune épris de liberté lançant à sa mère : « Tu veux savoir ce que c’est la Patrie ? », « La Patrie, c’est la haine envers celui qui l’opprime et la rancœur éternelle envers ceux qui l’attaquent ».
Aujourd’hui, Cuba vaccine massivement sa population, très éprouvée par les effets de la pandémie. Fidèle à son engagement internationaliste, la Havane commence à exporter ses doses au Venezuela ou encore au Vietnam.
Voilà donc un petit Etat de 11 millions d’habitants, plongé dans la dépendance par des siècles de colonialisme et objet d’un acharnement impérialiste sans commune mesure dans l’histoire, produire fièrement ses propres vaccins, au nez et à la barbe de son bourreau, et alors même que la France, 5ème puissance mondiale, a été incapable de créer son propre vaccin.
On peut bien sûr développer un rapport critique sur la gouvernance de Cuba et ses dirigeants, on peut aussi pointer la corruption des fonctionnaires et de la bureaucratie (qui ne leur est pas propre) mais compte-tenu des conditions d’existence et de survie de la petite île, on peut aussi l’admirer et s’incliner devant ses performances et sa résilience.