La révolte du Rif ( 1921/1926) est un des évènements révolutionnaires les plus marquants du siècle passé. Mais quel lien peut-il y avoir entre son leader, Abdelkrim Kattabi et l’existence de mosquées au Vietnam ?
Le 27 mai 1926, le grand combattant anti colonialiste rifain Abdelkrim se rend aux troupes françaises qui avec l’armée espagnole, 500 000 hommes en tout avaient fini par encercler le Rif et infligé de telles pertes civiles (on parle de 150 000 morts avec utilisation de l’aviation et d’ypérite, gaz moutarde) que la reddition avait été acceptée afin d’épargner au Rif l’anéantissement complet de ses populations. Il faut dire que le commandant en chef des troupes françaises n’était autre que le sinistre général Pétain. Cette victoire contre la barbarie sera d’ailleurs célébrée le 14 juillet 1926 sous l’arc de triomphe de Paris en présence de Pétain, le président de la République, Gaston Doumergue, d’Aristide Briand et du général fasciste espagnol Miguel Antonio Primo de Rivera. Ce qui vaudra cette remarque du héros du Rif: «Votre civilisation est celle du fer. Vous avez de grosses bombes, donc vous êtes civilisés ; je n’ai que des cartouches de fusil, donc je suis un sauvage»[1]. Cette reddition met un terme à cinq ans d’une lutte exemplaire en tous points. Celui dont les méthodes de guérilla ont inspiré Mao Tsé-Toung, Hô Chi Minh et même le Che dit-on, est fait prisonnier et sera cette même année 1926 exilé à l’île de la Réunion avec sa famille et ses proches. Mais la guerre du Rif a eu un tel retentissement que le nom d’Abdelkrim est désormais connu dans le monde entier comme le symbole de la révolution anti coloniale mais aussi du courage et de la détermination.
Après 20 d’exil, les Français le croyant résigné ont l’intention d’installer Abdelkrim en résidence surveillée dans le sud de la France. De plus celui-ci a obtenu que le cercueil de sa mère décédée en exil, pourra poursuivre sa route jusqu’au Rif natal pour qu’elle y soit inhumée. C’est ainsi que le chef rifain et sa suite d’une cinquantaine de personnes embarquent en mai 1947 sur un navire français le Katoomba au départ de St Denis de la Réunion. Quittant la mer Rouge le navire s’engage dans le canal de Suez pour ensuite pénétrer en Méditerranée à destination de Marseille. Enfin cela c’est ce qui aurait dû se produire parce qu’en fait à l’escale de Port Saïd trompant la vigilance de l’escorte policière présente sur le navire pour le surveiller, Abdel Krim aidé de militants sur place descend à terre sous prétexte d’une invitation du roi Farouk. En fait il faut savoir que son évasion a été soigneusement organisée par un groupe de militants nationalistes maghrébins qui par souci de discrétion n’avaient même pas prévenu AbdelKrim de l’opération. Ces militants dont le Caire est devenu le foyer principal d’activité sont regroupés au sein du comité de libération pour le Maghreb arabe qui offre aussitôt à Abdelkrim la présidence de celui-ci.
Et c’est là que l’histoire se permet un de ses clins d’œil qui en font la saveur. La France en mai 1947 est alors embourbée dans ce qui s’appelle alors la guerre d’Indochine. Au sein de l’important corps expéditionnaire se trouvent selon la tradition coloniale plusieurs régiments de tirailleurs ouest et nord africains. Face à l’armée française les troupes vietnamiennes sont dirigées politiquement par le fameux Ho Chi Minh. Apprenant qu’AbdelKrim a réussi à rejoindre Le Caire où il est désormais libre, « l’oncle Hô » décide de jouer la carte de la solidarité entre révolutionnaires anti colonialistes. Et c’est ainsi qu’à la demande des camarades vietnamiens, Abdelkrim dont l’aura au Maghreb est encore immense demande à « Maârouf, » un cadre du Parti communiste marocain de se rendre au Vietnam pour y créer un réseau de propagande et d’action psychologique à destination des troupes nord-africaines engagées du côté de la France. Via des tracts ou des appels au haut-parleur les « tirailleurs coloniaux » sont invités à déserter et à rejoindre les rangs du Viet-Minh. Plusieurs centaines de combattants « ralliés » comme ils sont appelés vont répondre à cet appel. Ils seront par la suite regroupés dans un camp à Son Say à une cinquantaine de kms de Hanoï pour y suivre une formation révolutionnaire destinée à en faire les cadres d’un futur mouvement de libération du Maroc. C’est ainsi que cette localité se transformera peu à peu « en une sorte de kolkhoze » où les ex soldats devenus agriculteurs pourvoiront à leurs propres besoins alimentaires, épouseront des Vietnamiennes avec lesquelles ils auront des enfants et bien sûr bâtiront des mosquées. Même si celles-ci n’étaient pas les 1eres car l’Islam est présent au Vietnam depuis le 8e siècle, leur présence illustre un épisode remarquable de l’histoire de la solidarité internationale des peuples colonisés.
Notes
[1] https://blogs.mediapart.fr/amadouba19gmailcom/blog/060820/abdelkrim-1882-1963-et-sa-guerre-du-rif-par-amadou-bal-ba
Pingback: AbdelKrim Al Khattabi et la petite mosquée dans la rizière – Bruxelles Panthères